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Bike & fly en Normandie
Le premier combo vélo et parapente d’Anthony de Carnets d’Aventure se déroule dans un bout du monde géographique : le Cotentin ! 3 semaines de voyage en alternant fatbike sur d’immenses plages et parapente pour jouer avec le vent.
Texte et photos : Anthony Komarnicki
Avec le soutien de CARNETS D’AVENTURE
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Ce récit est dédié à Yann, l’artisan-créateur des fatbikes Salamandre, qui a tristement quitté ce monde en mars 2021. C’est lui qui m’a prêté un de ses vélos pour me permettre de vivre cette fabuleuse aventure, à jamais gravée dans ma mémoire. Yann avait des doigts en or, fourmillait d’idées et s’enthousiasmait de nombreux projets. Merci à toi camarade.
Avec Yann, en session test de fatbike.
Premiers tours de roues en Normandie. Mon voyage commence à Deauville, que je quitte le plus vite possible pour rejoindre les grandes plages typiques de la région.
Lorsque la mer se retire, elle laisse un sol très variable, plus ou moins roulant, plus ou moins meuble. C’est le début de l’apprentissage d’une nouvelle forme de lecture de trajectoire.
Malgré leurs redoutables brûlures, les méduses sont des animaux fantastiques, à commencer par leur coloris étonnant
Dès les premiers jours, ce genre de décor me fait jubiler : j’ai l’impression de rouler sur une autre planète, presque abandonnée.
Aussi petit soit-il, chaque cours d’eau qui rejoint la mer est infranchissable, y compris par marée basse. Logique (le débit est toujours le même !), mais ça impose des petits détours pour atteindre l’autre rive.
Ouistreham, un dimanche ensoleillé. La seule plage, de quelques kilomètres, que je verrai si fréquentée ! Ça ne durera pas...
...et le contraste est saisissant avec toutes les autres plages, toujours désertes ou presque.
Je croise rarement quelques cavaliers sur ces grandes étendues, parfois au galop : on croque la liberté ici !
Une liberté acquise après des évènements difficiles. Cette portion des côtes du Calvados concentre les souvenirs les plus marquants du débarquement. Impossible de passer sans s’imaginer le destin tragique de milliers de personnes…
Vers Arromanches, des falaises se dessinent et à marée haute, impossible de passer par l’altitude 0.
Ces falaises calcaires, rongées par la mer et le vent, se délitent peu à peu. En 200 ans, le cap Manvieux aurait reculé de 40 mètres !
À Omaha Beach, je retrouve Laurent : un contact noué par internet avant mon départ, après avoir recherché “fatbike normandie” sur le plus connu des moteurs de recherche. Il connaît la côte normande comme sa poche et m’a volontiers donné plein de conseils avant mon départ. Un vrai plaisir de se retrouver “IRL”, ce matin-là.
Laurent m'emmène visiter la forêt derrière Omaha. Changement d’ambiance.
La météo n’est, depuis le début du voyage, pas favorable pour voler. Ni les prochains jours. Alors je continue de rouler, paisiblement, pour rejoindre le département de la Manche. Je n’ai malheureusement pas pu voler dans le Calvados, je croise les doigts pour la suite !
Il faut alors envisager un long détour, pour contourner l’estuaire de la Vire, jusqu’à la capitale française de la crème fraîche : Isigny-sur-Mer.
Sable et boue : un cocktail rugueux pour une transmission de vélo ! La boite Pinion est parfaitement adaptée, je n’ai qu’à nettoyer la chaîne.
Ambiance brumeuse et humide en bordure de la réserve naturelle de Beauguillot. Me voilà dans la Manche, changement de cap : direction la pointe du Cotentin désormais.
Par marée basse, l’estran est gigantesque et me permet d’atteindre Utah Beach loin de toute trace de civilisation. J’ai la sensation de traverser un désert, en surveillant la montre pour ne pas me faire surprendre par la marée.
Cabines de Ravenoville. Un lieu emblématique du littoral.
Pointe de Saire, je sors enfin mon parapente. Juste de quoi faire de petits sauts de puce, sous les regards parfois interloqués des promeneurs. Ça fait du bien !
En Normandie, l’expression “météo variable” prend tout son sens : en moins d’une heure je passe d’un franc soleil à l’averse.
Phares et sémaphores sont mes nouveaux jalons de progression. Après les plages infinies, le nord du Cotentin se déchiquète en de multiples caps.
Le terrain change. Hortensias et rochers ont remplacé le sable. Je traverse Cherbourg en vitesse pour atteindre l’anse de Vauville, sur la côte ouest : ça devrait voler là-bas cet après-midi !
Bingo ! Quel plaisir de poser le vélo, sortir la voile, et voler juste devant…
La météo se dégrade dès le lendemain. Je retourne sur mes pas pour retrouver un peu de chaleur dans la civilisation.
Par chance, au bar de Beaumont-Hague, je rencontre André, qui m’offre rapidement l’hospitalité. Il aime le voyage à vélo, donc ravi d’accueillir un semblable.
André m'héberge quelques jours pendant lesquels je découvre la pointe du Cotentin sans mes sacoches.
Port Racine. Surnommé “plus petit port de France”. Des aussières permettent d'amarrer les bateaux.
Phare de Goury, par une météo typique : entre soleil et pluie, qu’on devine arriver sur ce cliché. Au large, c'est le passage du Raz Blanchard : un des courants de marée les plus puissants d'Europe y sévit.
D’ailleurs, André me fait rencontrer un de ses amis qui habite en face du phare. Point de vue privilégié sur les caprices de la mer. Le barographe, actif depuis 30 ans, enregistre parfois des chutes de pression spectaculaires lors des tempêtes !
Baie d’Ecalgrain. Le relief déchiqueté contraste avec les grandes plages sableuses du reste du département. Vent, vagues et météo changeante : tout est réuni pour une ambiance de bout du monde.
Clin d'œil : un nose devant le nez des Voidries (juste avant que le sentier soit interdit aux VTT !).
Quelques jours plus tard, je reprends ma route sans aller bien loin : de bonnes conditions de vol s’annoncent, et le coin regorge de sites de pratique.
L’immense anse de Biville s’étend sur plus de 7 kilomètres.
Jour de vent fort, j’erre sur cette immensité. Entre la perspective de voler et ce décor féérique, la journée passe vite !
C’est parti pour des vols de rêve : d’abord à Diélette.
Bivouac à proximité du site de vol.
Puis je reviens sur mes pas pour voler à Ecalgrain, le lendemain matin.
La baie est encore plus sublime vue du ciel. André vient même me rendre visite, curieux de voir le cycliste se transformer en parapentiste.
En automne, les couleurs sont surprenantes : herbe verte, fougères orange et mer azur. Quel délice !
Journée compte double : ensuite, je vole toute l’après-midi à la dune de Biville. Un régal !
Les 7 kilomètres de l’anse de Biville, sans effort cette fois.
Le vélo m’attend sagement en contrebas. Il n’y a pas foule sur l’immense plage : quelques chevaux, deux parapentistes, et des chars à voile. Une cohabitation qui change mes habitudes !
Après cette belle journée, je suis si heureux ! Je savoure cette sensation d’avoir été au bon endroit au bon moment, l’essence même du combo vélo+parapente.
Il est temps de se diriger vers le sud. Sur la côte ouest de la Manche, les grandes plages se succèdent, les kilomètres de sable défilent.
Grâce au fatbike, je progresse facilement sur les plages, quelle que soit la marée. Et aujourd’hui, vent dans le dos, je sors le GPS par curiosité : 25km/h en moyenne ! Sur un terrain sableux, c’est rapide !
Quelques jolis détours s’imposent à nouveau pour éviter les havres : il y en a 8 entre le cap de Carteret et Granville, et à chaque fois, je dois quitter le sable pour passer par l’intérieur des terres.
Timing parfait : j’arrive aux alentours de Granville tandis qu’une belle journée de vol s’annonce.
Granville ! Décor moins naturel que la pointe du Cotentin, mais pas moins magique ! Je ne me lasse pas de faire des allers-retours sur le front de mer de la vieille ville, jusqu’à la pointe du Roc et son phare.
Photo par Bruno Pigalle.
D’en bas, des passants m’ont reconnu, ma voile mono-surface est si reconnaissable ! Encore une journée mémorable.
J’espérais voler face au mont St Michel, mais la météo se dégrade. Je patiente à nouveau, mais pas autant que cet arbre.
Je passe quelques jours dans les environs, en attente. Mais la météo ne s’améliore pas, plus propice à la cueillette de champignons…
C’est quand je décide de partir que je découvre un petit bout de dune parfaitement orienté avec une brise légère. Le créneau est court, mais je vole enfin face au mont St Michel !
Par faible coefficient de marée, c’est d’ici qu’on peut envisager de traverser directement (avec un guide) vers le mont St Michel. Mais là, ce sont les grandes marées...
...je dois donc contourner l’estuaire de la Sée puis de la Sélune pour retrouver le littoral. Sur la carte, c’est un énorme détour par Avranches.
Pointe de Roche Torin, le mont St Michel se rapproche enfin à nouveau.
Moutons de prés salés : les herbus et ses pâturages, une tradition installée depuis des siècles. C’est un peu l’image d’Épinal du mont St Michel !
J’entre alors en Bretagne : les côtes rocheuses et abruptes deviennent majoritaires, les plages se cantonnent à de petites anses. Et le VTT est majoritairement interdit sur le sentier littoral.
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