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Le vélo, l’architecte des villes de demain
Partout dans le monde, le retour en force de la circulation à vélo booste les projets d’aménagements des centres urbains. Dans le cadre de la “Bicycle Architecture Biennale”, Vélo Spirit vous présente une sélection des projets les plus fous, innovants, audacieux esthétiques… qui rendent la ville plus facile aux usagers à bicyclette !
Texte : Vincent Gauthier
Photos : Bicycle Architecture Biennale
Cet article a été écrit grâce au soutien de CYCLABLE
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Le vélo transforme les villes, les villes transforment le monde... Cette grande courbe verte remplacera t'elle un jour les larges avenues grises et rectilignes ?
Mettre en lumière la crème des projets architecturaux visant à l’intégration du vélo dans nos villes est l’ambition de la « Bicycle Architecture Biennale » (BAB). Sorti des méninges d’une équipe néerlandaise en 2017, ce rendez-vous international récompense les plus belles innovations d’architecture urbaine en la matière. Déjà mis en œuvre ou encore sur plans, ces aménagements cyclistes futuristes embellissent, transforment, interpellent, égayent...ou dérangent ! Et renvoient illico à nos réflexions sur la présence des vélos dans nos villes !
L'agence néerlandaise BYCS travaille avec les gouvernements, les entreprises privées, les communes, partout dans le monde. Elle accompagne la transition des centres urbains vers l’avenir. Et l’avenir, c’est le vélo ! Leur mission : 50% des villes seront à vélo en 2030 ! Peu importe de savoir si cela est réaliste ou pas. L’histoire de l’humanité est truffée de missions impossibles. Pour y arriver, BYCS a (entre autres) mis en place la « Bicycle Architecture Biennale ». On vous présente les 15 projets dans Vélo Spirit ! Mais avant cela, partageons quelques réflexions avec vous...
L’évolution des villes est en marche. Besoin de calme, d’apaisement, d’accessibilité, d’intermodalité, d’une activité physique ou tout simplement d’un air meilleur pour emplir nos poumons. On a tous une bonne raison de passer au vélo !
Si le nombre de vélos en zone urbaine ne cesse de croître partout dans le monde, la ville, elle, peine à se mettre au diapason. En France, les premiers projets datent du début des années 90. 30 ans plus tard, la logique reste malheureusement souvent la même : les aménagements cyclables ne sont votés que s’ils n’empiètent pas sur le domaine sacré de l’automobile. Les règles du jeu doivent changer. Vite. En architecture urbaine, tout comme pour les supermarchés, le modèle made in USA des années 60 a fait long feu.
Circuler, stocker, échanger, réparer, se protéger (des autres et du climat). Les besoins des cyclistes sont simples et bien identifiés. Si demain, 50% de la population urbaine – la bagatelle de 3 milliards de terriens – roule à vélo, la transformation qu’il convient d’opérer est profonde. Et c’est un euphémisme.
15 projets, 9 pays. Des ensembles doivent être cohérents, innovants, futuristes, réinventer l’espace urbain, ouvrir des perspectives et répondre aux besoins fondamentaux des usagers en bicyclette. Leur conception doit être économe en ressource et durable.
Sur la rive Est, un parc à vélo permet d’assurer la continuité avec les autres modes de déplacement de la ville.
Les Pays Bas sont, sans conteste et sans surprise, le pays européen le plus innovant en matière d’ingénierie de voirie urbaine « bike friendly ». Nécessité faisant loi, les villes chinoises sont aussi de véritables laboratoires. Bike Parking Canopy (La Haye, Pays Bas)
Radbahn Berlin (Berlin, Allemagne). Peut-être avez-vous déjà déambulé sous un métro aérien : ligne 6 à Paris, métro de New York et...U1 de Berlin. Jalonnés de poteaux en acier ou béton, généralement gris et lugubres, ces espaces sont rarement aménagés à profit. Ils font même de très bons lieux de tournage pour les scènes de crimes, vous ne trouvez pas ? Et bien, ce projet parvient à en faire un atout !
Protection aux intempéries : une canopée urbaine abrite une voie cyclable végétalisée sur 9 km de long. Durable : le revêtement est partiellement fait de plastique (recyclé, cela va de soi). Connecté : des informations sur le trafic en temps réel sont transmises aux usagers. Innovant : la végétation à mi-hauteur absorberait une partie des bruits de la ville...
RheinRing (Cologne, Allemagne). Il en a sûrement fallu du génie, pour imaginer un tel projet. Et très probablement un petit grain de folie, aussi. Entre les deux ponts historiques de la ville de Cologne, au-dessus des eaux du Rhin, l’ouvrage se paie le luxe de chercher à recréer un « nouveau centre » en plus de sa fonction de lien cyclable entre les deux rives. Et, pour créer un centre, quoi de plus logique que de dessiner...un cercle !
500 mètres de distance, 150 mètres de haut et près de 800 ans séparent la piste cyclable du RheinRing (« le Cercle du Rhin ») de la grandiose cathédrale gothique de la ville (Kölner Dom). Face à un tel emblème, le projet se devait d’être humble mais audacieux à la fois...tout comme l’ont été les architectes de la cathédrale en 1248.
Nørreport Station (Copenhague, Danemark), un projet complet en vue de la création d’un ensemble cohérent et un pôle intermodal tourné vers les besoins des cyclistes. La gare de métro Nørreport est la plus fréquentée du Danemark et un centre névralgique, à l’instar de Châtelet – les Halles pour la capitale gauloise. Ici, les besoins sont immenses et pluriels : la ville est l’une des plus «cyclées» d’Europe, et le trafic journalier à Nørreport est dense (à l'image de ces parkings vélos bien remplis...). Pour finir, la capitale danoise fait consensus : c’est LA ville la plus bike friendly au monde. Rien que ça.
À Nørreport Station, parsemée de plusieurs pavillons de verre aux toitures arrondies, l’espace créé est pensé spécifiquement pour les besoins du cycliste urbain. Plusieurs alvéoles en léger contrebas par rapport à la voirie constituent les espaces parking (environ 2500 vélos). Les pavillons accueillent les services aux cyclistes, en plus des accès au métro.
Upside Down Bridge (New York, USA). L’arrondissement du Queens à New York est coupé en deux par une ancienne voie de chemin de fer, aujourd’hui désaffectée, la Queensway. Telle une plaie ouverte, cette coupure urbaine scinde deux « mondes », deux tissus urbains bien distincts. Ainsi, ce projet vise à revitaliser l’ensemble des quartiers traversés et à recréer un lien entre des communautés aujourd’hui physiquement séparées.
Les projets d’architecture urbaine vise à la fois à remplir leur mission pratique (améliorer ou dynamiser le quotidien des habitants, embellir un cadre de vie, accueillir de nouvelles formes de consommation...), mais aussi à créer du lien entre les habitants. En ville, la simple notion de distance perd une partie de son effet séparateur. Un métro, une ligne de bus, une piste cyclable... sont autant de maillons qui peuvent raccommoder une chaîne défaillante. Dans le cas du Queens, c’est le contrat qu’ambitionne de remplir cette voie cyclable.
Ölhafen Bridge (Raunheim, Allemagne). Non loin de la capitale financière allemande, Francfort, le bourg de Raunheim est baigné par les eaux du Main. Pour assurer une continuité de déplacement, le projet présenté prévoit d’enjamber les 70 mètres de largeur de l’entrée du port pétrolier. C’est embellie d’une rampe d’accès tout en courbe et une structure blanche inédite que le Ölhafen Bridge a vu le jour.
La contrainte technique de l'Ölhafen Bridge était de taille : les navires croisant sous ce pont transportent des matières hautement inflammables. L’architecte a donc du designer de hauts parapets tout en gardant la légèreté de l’ensemble et en créant une vue sur le fleuve depuis le pont. Beau défi !
Nelson St Cycleway (Auckland, Nouvelle Zélande). L’une des villes principales de l’île du Nord, Auckland, possède déjà une boucle cyclable qui encercle une bonne partie du centre-ville. Une bonne partie oui...mais pas toute ! Ce projet vient compléter ce « périph cyclable » par la réutilisation sur 600 mètres d’une voie routière devenue inutile (un axe plus large et moderne ayant été construit en parallèle). Pour créer une atmosphère hors du commun, 300 leds rose vif viennent donner vie à cette nouvelle colonne vertébrale...
L’idée de la différenciation par couleur était de créer un espace à part, visuellement très différent du réseau routier dense environnant. S’isoler du brouhaha de la ville le temps d’un trajet velo-taf, ou bien d’une promenade dominicale, telle est la promesse de ce projet néo-zélandais... On se tue à vous le dire : à vélo, on voit la vie en rose...
Cycling through the trees (Limbourg, Belgique). Rouler parmi les arbres… Ce que l’habitat insolite fait depuis plusieurs années maintenant, les architectes à l’initiative de ce projet belge l’on fait pour le vélo ! Avec une pointe à plus de 10 mètres au-dessus du sol, cette boucle de 100m de diamètre, toute d’acier, embarque le cycliste dans une expérience hors du commun. Rouler parmi les arbres sans risquer une collision fortuite avec l’un d’entre eux, avouez que l’idée a son charme !
Lorsque l’on crée une telle immersion dans la nature, c’est un spectacle sans cesse renouvelé que l’on propose. A chaque saison ses couleurs, ses senteurs, son ambiance. Assurément une belle façon d’ajouter une touche ludique à une piste cyclable, conçue initialement pour son caractère fonctionnel.
Le plus grand parking à vélo du monde (Utrecht, Pays Bas). La gare centrale d'Utrecht, la plaque tournante des transports publics la plus fréquentée des Pays-Bas, subit des changements radicaux pour devenir un véritable terminal de transfert intermodal. L’un des objectifs : mobiliser pleinement la synergie potentielle entre l'utilisation du vélo et les transports publics. Ce nouveau garage à vélos se trouve juste à côté de la gare. Et ses « mensurations » donnent le vertige !
Le plus grand parking à vélo du monde (Utrecht, Pays Bas), à trois niveaux, a été conçu avec trois objectifs en tête : commodité, vitesse et sécurité. Les utilisateurs peuvent rouler librement jusqu'aux emplacements disponibles (indiqués électroniquement). Des installations supports comme un atelier de réparation de vélos et un service de location complètent l’offre. Les cages d'escalier et les espaces ouverts permettent à la lumière du jour de pénétrer dans le garage et créent une scénographie remarquable. Vous vous demandez sûrement combien de vélos peuvent y être stockés ? La bagatelle de 13500 vélos !
Cycling through water (Limbourg, Belgique). La ville de Limbourg, en Belgique flamande, ne manque d’idée. Après sa piste cyclable « parmi les arbres », voici la version lacustre. La voie cyclable creuse une tranchée de 200 mètres de long et 3 mètres de large au beau milieu d’un lac. L’eau affleure à hauteur d’yeux. Une drôle d’impression !
Chaque jour, ce sont 700 cyclistes ou piétons qui empruntent cette section. Nul doute, donc, qu’elle n’a pas été conçue dans le seul but touristique. C’est évidemment, et surtout, un axe stratégique dans le maillage d’Utrecht, qui figure sur le podium mondial des villes bike friendly. En 2018, le magazine Time a d’ailleurs placé cette piste cyclable étonnante dans sa liste des attractions touristiques de choix. C’est un signe qui ne trompe pas !
Xiamen Bicycle Skyway (Xiamen, Chine). Voici un projet d’ampleur, comme la Chine sait les créer. Les architectes, en lien étroit avec la commune de Xiamen (côte sud-est, face à Taïwan), ont cherché à créer une alternative crédible à l’automobile. Le tissu routier dense des « niveau 0 » a conduit les concepteurs à imaginer la plus grande piste cyclable aérienne au monde...
Sur 8 kilomètres de long, la Bicycle Skyway (« voie cyclable du ciel ») de Xiamen arbore un revêtement d’une couleur verte suggestive. L’engorgement et l’extrême pollution des villes chinoises sont un défi sans précédent. Nul doute aujourd’hui que le retour au vélo est l’une des solutions, si ce n’est LA solution...
Curtin Bike Hub (Perth, Australia). La plateforme vélo de Curtin (quartier de la grande ville de l’ouest australien) est un aménagement clé du secteur de l’université. Le Bike Hub encourage le vélo comme mode de transport pratique et durable vers et depuis le campus. Il le fait grâce à son offre inclusive, qui comprend des installations de lavage, des vestiaires et des casiers de rangement sécurisés.
Côté rangement des vélos, un système d'empilage à deux niveaux permet d’accueillir environ 200 biclous. Le toit-terrasse accessible crée une sorte de cinquième façade et peut être utilisé comme un espace pour se détendre et se connecter, en plus d'être un espace dédié à l’événementiel.
Coffee and Bikes (Delft, Pays Bas). Ce parking à vélos est situé au centre du campus de Delft. Il est combiné avec un atelier de vélos et un café. Le principal défi de la conception était de transformer le grand local à vélos (qui existait déjà) en un lieu de rencontre. Pas facile de donner vie à un ensemble qui n’a pas été pensé pour son caractère attrayant !
Les architectes ont opté pour un concept particulier : inclure un café et un atelier dans un même espace aux vitrines transparentes. Une pente douce végétalisée permet de se détendre aux beaux jours. Cette combinaison donne au bâtiment l'apparence d'un pavillon plutôt que d'une installation dévolue au simple stockage.
Cycling and pedestrian connection (Barcelone, Espagne). Depuis 60 ans, les piétons et les cyclistes de la capitale catalane butent sur une discontinuité dans le réseau de voies vertes. La jonction entre le périphérique B20 et l’autoroute B23 est l’un des points les plus difficiles de la ville. C’est donc avec l’envie de dénouer cette situation qu’ont œuvré les architectes à l’origine de ce projet.
La nouvelle piste cyclable prévoit de couper cet imbroglio de routes sur une longueur de 500 mètres, tout en créant l’impression d’une immersion en campagne. C’est l'une des grandes tendances actuelles : tenter d’isoler les voies cyclables de la cohue et du bruit des voies routières, génératrices de stress... Pari réussi avec cet ouvrage catalan !
Nous l’avons vu au travers de ces 15 projets : inclure une circulation sécurisée et fluide pour les usagers à vélo n’est pas chose aisée dans des villes qui n’ont pas été conçues dans cette perspective. Pourtant, l’ingénierie et la créativité des architectes urbains permet d’entrevoir de nombreuses solutions techniques. Ces aménagements bouleversent petit à petit notre conception de la ville, notre façon de la vivre. « Le vélo est plus qu’un moyen de transport, c’est une transformation ».
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