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TOUR AOTEAROA, le CYCLOTOURISME POUR LES NULS EN NOUVELLE ZÉLANDE

1er janvier 2024. Comme tous nos semblables à deux roues, les deux vélos de ville que nous sommes cuvent leurs excès d’huile et de liquide de frein au fond d’un garage, dans la banlieue d’Auckland. Jusqu’ici, la vie était douce : courses en centre-ville, balades le long de la rivière… Mais ce matin-là, en écoutant les deux Frenchies qui se sont pointés parler avec nos propriétaires, nous comprenons vite que notre vie de bohème se termine ici : demain, nous entamons notre traversée de la Nouvelle Zélande !

Devient cyclotouriste qui veut...

C’est bien la première leçon que nous retenons de ces deux mois d’aventures ! Loin des VTT bodybuildés ou des cyclistes qui se rasent les jambes, notre équipe est on ne peut plus normale : deux vélos de ville de seconde-main, et deux voyageurs aux cuisses initialement dures comme des chamallows. Harnachés d’un porte-bagage et de simples sacoches, nous nous transformons en un clin d’œil en vélos-voyageurs pour embarquer dans le bus qui nous mène au Cap Reinga, le point le plus septentrional de la Nouvelle-Zélande.

Bien sûr, les premiers jours sont rock’n’roll : le temps pour nous quatre de trouver notre organisation. Pour être francs, nos cyclotouristes pédalent dans la semoule… au sens figuré comme au sens propre, puisque nos deux premières étapes se déroulent le long de la Ninty-Mile Beach ! Sur cette longue langue de sable coincée entre collines et océan, les deux extraordinaires premières étapes nous obligent à respecter des horaires précis pour rouler sur le sable durci, à marée basse. On rencontre même quelques requins échoués de-ci de-là… Rinçage obligatoire en fin d’étape, pour nous préserver de la rouille !

Chaque jour, le dénivelé ou les opportunités de visite donnent le rythme. Voyager à vélo, c’est opter pour un voyage lent : pas question d’avoir la tête dans le guidon ! Avec trois mois devant nous, nous avançons à raison d’une cinquantaine de kilomètres par jour. Les reliefs ne manquent pas ici, et nous imposent parfois de raccourcir nos étapes. Ces dernières sont largement facilitées par le roadbook concocté par deux Néozélandais mordus de vélo : le Tour Aotearoa (Aotearoa signifiant “Nouvelle-Zélande” en langue maori). Grâce à cet itinéraire, nous roulons surtout sur des pistes cyclables, des axes secondaires et des routes gravel : l’idéal pour éviter les grands axes où circulent de nombreux camping-cars. Quelques liaisons se font également en bateau et rendent l’aventure plus ludique : l’ambiance est bon enfant entre cyclistes et voyageurs, et nous nous contorsionnons parfois pour tous rentrer sur le pont !

Et parce que nos nouveaux proprios sont clairement touristes avant d’être cyclistes, ils nous font aussi faire quelques détours : pendant que nous reposons nos pédales, ils crapahutent sur le volcan Tongariro, pagaient dans les eaux turquoise du parc national d’Abel Tasman ou explorent le fjord de Milford Sound. Ils reviennent généralement nous chercher au bout d’un jour ou deux, avec de nouvelles courbatures à leur actif !

le tour du monde en 90 jours

Comme dit la chanson : “3000 km à vélo, ça use, ça use, 3000 km à vélo, ça use les suspensions”… mais ça permet aussi de passer d’un climat à l’autre et donc, d’avoir l’impression de traverser plusieurs pays. Ça nous change de la banlieue d’Auckland !

Où sommes-nous : Indonésie ? Irlande ? Tadjikistan ? Patagonie ? Jérusalem ? Bolivie ?
La Nouvelle-Zélande, c’est tout cela à la fois !

Au Nord d’Auckland, le climat est tropical. Bananiers, fleurs exotiques et fougères arborescentes nous accompagnent tour à tour. Au fur et à mesure que nous descendons sur l’île du Nord, les forêts tropicales cèdent la place aux champs où paissent les cerfs, aux volcans qui dominent les plaines et aux vignobles et champs de houblons qui structurent le paysage.

On se rappelle notamment de la Timber Trail avec ses single roulants à travers la forêt primaire : on s’est presque pris pour des VTT… jusqu’à ce que nos porte-bagages cèdent par manque de suspension. Une attelle faite-maison avec deux bouts de bois nous permet de tenir jusqu’au prochain magasin de vélo : il y en a quelques-uns mais encore faut-il trouver une ville, dans ce pays sous-peuplé !

Pour nos cyclotouristes aussi, la vigilance est de mise : ici, la couche d’ozone est fine et les rayons UV agressifs. La crème solaire est obligatoire pour protéger leur peau bien plus fragile que nos cadres en acier… Un soleil qui bénéficie toutefois aux plantations du coin : vignes et houblons sont légion ici, de quoi terminer les journées par un apéro bien mérité ! Enfin, l’arrivée à Wellington au Sud de l’île du Nord restera dans nos mémoires, avec ses rafales de vent incessantes. La ville porte bien son surnom de “Windy Welly” !

Une traversée en ferry nous emmène ensuite sur l’île du Sud : la carte postale de la Nouvelle Zélande. La densité de population y est encore plus faible et l’on y croise surtout des voyageurs attirés par ses paysages spectaculaires : plages dorées, glaciers, lacs turquoise, fjords. Au sommet de la chaîne des Alpes, le Mont Cook se dresse avec son allure immuable par temps clair. Il semble surveiller d’un air à la fois sévère et paternel tout ce qui se passe ici ; même si c’est très calme… les villes ont en effet des allures de Far West et présentent peu d’intérêt, mais les boîtes aux lettres customisées un peu partout apportent un peu de vie dans ces paysages demeurés très sauvages.

Côté cyclo, la célèbre côte Ouest offre peu de possibilités pour s’éloigner de la route principale et fréquentée. Ajoutez à cela une météo capricieuse : nous voyagerons en bus sur 3 étapes afin de ne pas nous mettre en danger, et privilégier le plaisir de rouler ! Des kilomètres récupérés à posteriori puisqu’à la fin de notre traversée, nous remontons sur la côte Est pour parcourir l’itinéraire cyclable de la Alps2Ocean : ce décor aride est radicalement différent de la côte Ouest, car la chaîne de montagnes des Alpes retient les nuages de l’autre côté

Une belle leçon de vivre ensemble

Il paraît que les Hommes ont parfois du mal à vivre ensemble, et on peut les comprendre… Même à notre échelle, les débats font rage et la cohabitation est parfois mise à rude épreuve : VTT à gros pneus imbus d’eux-mêmes, modestes vélos de ville indispensables au quotidien, VTC qui ne comprennent jamais où ils doivent rouler… sans parler des Gravel, ces petits derniers à la mode chouchoutés par les hipsters !

Comme partout, vivre ensemble en Nouvelle Zélande ne va pas forcément de soi. Son identité est le fruit de vagues successives d’immigration : d’abord les Maoris venus de Polynésie, puis les colons britanniques et aujourd’hui, de nouveaux arrivants en provenance de Chine et d’Inde. Sur l’île du Nord, la culture maori est très présente : on la sent dans la consonance des noms des villages, le mobilier urbain qui reprend des symboles polynésiens, et des Marae (maisons communautaires) disséminés un peu partout. Un bel hommage aux premiers habitants du pays !

Le 6 février, nous avons eu la chance d’être accueillis chez l’habitant pour un jour bien particulier, nommé Waitangi. Chaque année, les Néo-zélandais célèbrent l’accord passé entre les chefs maoris et les colons britanniques en 1840. S’il demeure des tensions (la traduction de l’anglais vers le maori comporte son lot d’approximations), cette journée de paix et d’ouverture à l’autre nous a fait chaud au cœur. Nos hôtes nous ont emmenés au Marae de leur ville que nous avons pu visiter, et où les communautés maories locales ont fait quelques démonstrations de chants, de danses et bien sûr, du fameux Haka ! Bien que descendants de britanniques, nos hôtes ont pu nous expliquer toute la signification de ce que nous voyions (notamment le hongi, ce salut traditionnel où l’on presse son front et son nez). Leurs enfants, quant à eux, chantaient eux aussi les chants maoris appris à l’école.

Il existe de nombreux spectacles folkloriques maoris en Nouvelle Zélande, notamment à Rotorua. Ces derniers mettent en scène des danseurs maoris vêtus de peaux de bête comme à leur arrivée sur l’île, il y a plus de 700 ans. Nous avons fait le choix de privilégier ce moment bien plus authentique, où les Maoris chantent en blue jeans et font le haka avec une gamine posée sur la cuisse, en se filmant en live sur Facebook avec leurs amis ! Les Maoris d’aujourd’hui ont tout d’un peuple moderne vivant dans un monde globalisé, et leur culture s’adapte à la modernité sans rien perdre de sa superbe. Pour un peu, on se serait tatoué le cadre…

Les oiseaux

Dès la sortie de notre garage à Auckland et tout au long de l’itinéraire, le chant des oiseaux est omniprésent autour de nous. Si le kiwi est l’animal emblématique de la Nouvelle Zélande, il est très difficile à observer et ne sort que la nuit… Autant vous dire qu’après nos journées de pédalage, on dormait tous comme des loirs ! Heureusement pour nous, la Nouvelle Zélande regorge d’espèces d’oiseaux aux chants tous plus mélodieux les uns que les autres, parmi lesquels :

  • Le pigeon vert de Nouvelle Zélande, bien plus gros et coloré que ceux que l’on connaît en Europe
  • Les Pukeko avec leur bec rouge et leur ventre bleu
  • Les Spatules, qui portent bien leur nom avec leur bec incongru
  • Les Weka, qui se promènent dans chaque camping du Doc à la recherche de nourriture à nous chaparder !
  • Le kéa, unique perroquet alpin au monde et capable d’ouvrir une voiture en grignotant les caoutchoucs !
  • Le Tui avec sa petite boule de poil blanche sous le menton
  • Les cailles de Nouvelle Zélande, avec leur houpette qu’elles ont dès la naissance
    Les albatros que l’on peut admirer à Dunedin, seul lieu de nidification au monde à être situé sur une terre habitée

Nuits sous un ciel étoilé

Ici, le camping sauvage est interdit, et la terre est partout privée et clôturée. Mais les campings le long de notre itinéraire ne manquent pas, et nous apprécions tout particulièrement ceux d’entre eux gérés par le DoC (Department Of Conservation) : rudimentaires mais idéalement placés pour profiter d’une nature sauvage et préservée.
Nous utilisons aussi d’autres campings privés qui offrent à nos deux cyclistes des douches bien méritées, ainsi que le réseau WarmShower qui permet une immersion totale en séjournant chez l’habitant !

Enfin, quelques cabanes jalonnent notre progression. On se rappellera par exemple de la “Big River Hut”, une pause bien méritée entre deux étapes qui mettront à rude épreuve nos suspensions : chemins de 4×4 ravinés, pierres et racines, arbres couchés en travers du chemin nous en ont fait voir de toutes les couleurs ! Mais cette sensation de bout du monde et de solitude que nous y trouvons en aura finalement valu la peine… à la nuit tombée, alors que nos cyclotouristes profitent du luxe relatif du lieu et s’imaginent déjà vivre ici, nous partageons la pelouse avec quelques possums curieux venus nous rendre visite.

Te Araroa, une belle solidarité à pied et à vélo

Cet itinéraire a cela de magique qu’il partage un certain nombre d’étapes avec le “Te Araroa”, la traversée de la Nouvelle Zélande à pied. Les rencontres ne manquent donc pas et l’ambiance est digne d’un refuge de montagne, à chaque camping où nous nous rassemblons. Lorsque nos deux cyclistes nous posent le temps d’une rando, ils nous retrouvent parfois même avec des barres de céréales délicatement posées sur nos selles pour saluer leurs efforts… un ravito bienvenu en plus des fruits de saison vendus devant presque chaque jardin par les Néo-Zélandais, des palourdes ramassées à marée basse, des pommes en bord de route… des pauses pique-nique effectuées dans des endroits plus ou moins insolites!

L’arrivée à Bluff, le point le plus méridional de la Nouvelle Zélande, est forte en émotions ! À peine approchions-nous du fameux panneau directionnel jaune que les marcheurs et cyclistes déjà rassemblés à son pied nous accueillaient avec force applaudissements, chansons et cris de joie ! Impossible de décrire cette sensation de pure joie, de fierté et d’accomplissement qui nous animait alors : en 65 jours, les petits vélos de ville que nous sommes ont montré ce qu’ils avaient dans les pneus !

Quelques tips pour voyage à vélo en Nouvelles Zélande

Privilégier les Great Rides : 23 itinéraires entièrement balisés et en dehors des routes, pour partir à la découverte de lieux isolés ou historiques (beaucoup de Great Rides sont d’anciens chemins de fer acheminant du bois ou de l’or), et rencontrer d’autres cyclistes dans une ambiance bon enfant

Utiliser les campings du Doc : rudimentaires mais très économiques, ils sont souvent situés dans des lieux remarquables et prennent des allures de colonies de vacances lors des vacances scolaires avec toutes les familles qui s’y retrouvent, une belle façon d’échanger avec les locaux !

– Période à privilégier : de décembre à mars. La majorité des cyclistes parcourent le Tour Aotearoa du Nord vers le Sud, en raison du sens des vents. Commencez par le Nord début décembre avant qu’il ne fasse trop chaud, et rejoignez le Sud début mars, avant que les lupins ne fanent autour des lacs glaciaires !